Entretien avec Gilles Gentner
par Tanguy Nédélec*


Gilles Gentner  Il était une fois une Espagnole…

Tanguy Nédélec  Avant de parler de Cuqui, parlons de toi.

GG  (soupir)

TN  C’est un moyen de commencer. Pourquoi le spectacle? Pourquoi la lumière?

GG  Je ne sais pas, parce que je ne savais pas quoi foutre.

TN  Ce n’est pas pour ça qu’on en vient au spectacle, quand même.

GG  Non, en fait j’étais dans un groupe folklorique dans mon village en Alsace. J’avais quoi, 15 ans! J’y suis allé trois ans. Chaque année, on montait un spectacle qu’on écrivait en Alsacien, où chacun faisait la technique à tour de rôle. Un jour, c’est moi qui me suis occupé de la lumière et il y a eu un truc. Il se trouve que ma mère bossait dans une scierie et le fils du patron était comédien dans une compagnie à Mulhouse. Le metteur en scène de cette compagnie faisait des stages d’été en plein air dans le sud de l’Alsace et ma mère m’a mis en contact avec lui.
C’était essentiellement pour des acteurs mais ils cherchaient aussi des gens en technique. Tout le truc était pro, et j’ai fait trois étés là-bas. C’était super: en extérieur, des gros trucs dans la forêt, et du coup on faisait tout. Ça me plaisait bien, c’était une ouverture vers un monde énorme tout à coup, où tout est possible, pas seulement la lumière. Avant de faire de la lumière, je voulais savoir ce que c’était que cette machine, le théâtre, toute cette technique. J’avais tout à apprendre et j’ai eu la chance de rencontrer des gens qui faisaient beaucoup de choses, qui n’étaient pas que spécialisés en son, lumière, plateau, scéno, etc. Des gens très polyvalents qui m’ont donné goût à tout, qui m’ont épaulé. J’ai fait beaucoup de rencontres, surtout en Alsace. Je suis assez bien tombé parce que c’est quand même une région très riche, et dans les années 80 il y avait du fric en culture. J’ai fait un T.U.C. (travail d’utilité collective ) pendant un an dans une association à Colmar, qui accueillait des spectacles dans différentes salles car elle n’avait pas de lieu dédié. C’était très bien car on allait dans des salles qui n’étaient pas du tout des théâtres et il fallait tout faire, ou alors aller dans le théâtre municipal et avoir des contacts très différents avec ceux qu’on appelait «les municipaux».

TN  Il y en avait encore plein à l’époque.

GG  Plein et ça c’était chouette. Et puis les vieux de la vieille qui peuvent t’apprendre des trucs… J’ai vu des jeux d’orgue des années 50 encore fonctionner, des vieux Clémençons, aujourd’hui tu ne sais plus faire ça.
Après j’ai travaillé à l’Atelier Lyrique du Rhin à Colmar. Depuis c’est devenu un centre dramatique mais à l’époque il n’y avait pas de salle, il y avait des bureaux, des studios de son et de chant, dans un manoir d'un quartier résidentiel de Colmar. C’était incroyable. On était deux, Bertrand qui était régisseur général et moi qui était objecteur de conscience. On faisait tout là-dedans et ça tournait. C’étaient des gros opéras contemporains, des trucs énormes. On investissait des lieux qui n’étaient pas du tout des salles de spectacle. Et puis j’ai fait aussi les premières années d’une sorte de festival, «Les Régionales», qui invitait des compagnies de France et de l’étranger à tourner en Alsace, dans des petites salles où personne ne va jamais jouer, dans des endroits où les gens ne vont pas au théâtre non plus. On faisait des tournées avec Hourdin, avec de vraies familles de théâtre.

TN  Les fédérés.

GG  Les fédérés, oui voilà j’ai rencontré des gens comme ça, des gens supers, vraiment c’était pour moi une école formidable.

TN  Parce que finalement tu n’es pas allé à l’école?

GG  Non, j’ai tenté le T.N.S. (Théâtre national de Strasbourg, NDLR) à 18 ans, et à la fin des épreuves le directeur m’a dit: tu es trop jeune, représente-toi l’an prochain. Je ne l’ai pas fait. C’est pas très grave je crois.
Et puis après, Bertrand, avec qui j’ai bossé pendant deux ans et qui est un peu mon père, est parti avec Le Radeau, avec qui on avait fait une création à Colmar. Ils étaient venus créer Le jeu de Faust, un spectacle absolument magique. Je l’ai suivi et j’ai fait des tournées avec Le jeu de Faust, Woyzeck, et d’autres encore.

TN  Donc avec Tanguy! C’est quelqu’un avec qui j’aurais aimé travaillé.

GG  C’était super, même si j’ai du mal avec les familles, avec les collectifs. Après j’ai bossé avec Py à Bussang. C’est un théâtre dans les Vosges tout en bois.

TN  Oui, je connais le Théâtre du peuple!

GG  J’ai bossé trois étés là-bas aussi, c’était Rancillac qui était directeur artistique. La dernière année il y a eu scission dans l’histoire entre les Py et les Rancillac, et moi je suis parti avec Py et j’ai fait quatre créations avec eux.

TN  Bon, et la Cuqui alors?

GG  De fil en aiguille, j’ai travaillé avec l’équipe de la Bastille. On se partageait les saisons à une douzaine et je me suis occupé de Boris Charmatz pour sa création Herses. Ça a très bien marché et je suis parti avec lui en tournée. Angèle, son administratrice, a parlé de moi à Rebecca Lee qui cherchait un directeur technique pour Jérôme Bel. J’ai passé une audition avec Jérôme, Rebecca, et Frédéric Seguette.

TN  Ou là là ça devait être quelque chose!

GG  C’était très bizarre, mais ils m’ont pris et j’étais avec Jérôme sur The Show Must Go On, j’y suis toujours d’ailleurs! C’est là que j’ai rencontré plein de gens de mondes différents, dont Cuqui qui était dans Show avec Juan Domínguez, avec sa soeur aussi, María, et Olga de Soto avec qui j’ai bossé aussi. Ça fait dix ans que je connais Cuqui. Lorsqu’elle a commencé à faire ses spectacles, elle m’a proposé de bosser avec elle après son premier solo, A Space Odyssey. On travaille ensemble depuis cinq, six ans maintenant. Et ça me plaît. Elle est drôle, assez dingue.

TN  Avant de parler de Cuqui, tu penses qu’il y a une grosse différence de boulot entre la danse et le théâtre, puisque tu as fait les deux?

GG  Je m’étais dit ça, oui, mais je trouve qu’aujourd’hui c’est tellement moins différent qu’avant... Au théâtre, il y avait forcément un décor, une grosse scéno, et en danse il n’y avait rien. Maintenant, c’est presque le contraire. La lumière avait la même importance, mais différemment.

TN  Je me dis que les techniques d’éclairage ne sont quand même pas les mêmes?

GG  Pourtant, j’ai fait quasiment toutes les créations de Laurent Gutmann, par exemple. Il avait des spectacles avec des scénos imposantes qui donnaient quelque chose de très fort. Dans ces cas-là, je montre ce qu’il y a à voir tout en essayant d’amener un concept malgré tout. Effectivement, dans le théâtre, il y avait à éclairer en fait. Alors que dans la danse c’est plutôt une idée à avoir. Tu peux avoir une ampoule et ça peut très bien marcher. En théâtre aussi aujourd’hui, mais il y a quinze ans le rapport à l’espace n’était pas le même. On avait besoin de voir les yeux des acteurs quand ils parlaient.

TN  Tu ne crois pas que c’est aussi lié aux conditions de production et qu’à partir des années 80, 90, il y a eu plus d’argent dans la danse?

GG  Ça dépend des productions, c’est sûr. Je crois qu’en danse il y a une plus grande ouverture, c’est plus facile de prendre position en tant qu’éclairagiste. Le théâtre avait un peu peur des parti-pris, maintenant c’est moins sectionné. C’est presque un peu trop: on ne cherche plus qu’à avoir l'Idée. C’est ça qui me plaît dans le travail de Cuqui, bien sûr, il y a une idée, un concept de spectacle hyper fort. Après, la lumière des spectacles qu’on a fait là, c’est quoi: un plein feu!

TN  C’est assez fréquent en danse. On ne veut plus de spectacle ou en tout cas il y une crainte de tomber dans le spectacle.

GG  En même temps ce sont des spectacles. On en a conscience, on est quand même face à un public, dans des lieux qui sont fait pour ça. Le plein feu a peut-être une espèce de…

TN  … neutralité.

GG  Oui, quelque chose de vierge en tout cas. La volonté de ne rien insinuer visuellement et de laisser brut ce qu’il y a à voir aux spectateurs.

TN  Le projet de Cuqui, quand vous êtes venus ici aux Labos, consistait au départ en un exercice... enfin un travail sur les possibilités de créer un espace et une dramaturgie par la lumière. Je me souviens qu’au début, avant que vous ne réorientiez votre travail, c’était assez pauvre, quelque chose n’allait pas. On aurait dit un travail d’école un peu et je ne voyais pas trop où ça menait. Qu’est ce que vous vous êtes dit à la fin de ce premier temps?

GG  On ne s’est pas dit grand chose à vrai dire parce que Cuqui est partie assez vite et après on a enchaîné le travail. La communication avec Cuqui n’est pas toujours simple. C’est très difficile pour elle de parler de son travail, de le critiquer.

TN  Toi tu penses que vous pouviez continuer cette piste ou pas?

GG  C’était le projet initial. Un spectacle peut commencer de millions de façons différentes. A la deuxième session¹, comme on piétinait, on s’est dit: on essaye autre chose. C’est ce qu’on a fait, sans trop approfondir ce qui n’avait pas marché au début. Quand Cuqui ne sent pas un truc ... poubelle.

TN  Elle ne s’entête pas. Ensuite le projet s’est orienté vers des variations sur une situation autour d’un mort que je jouais. Ca peut paraître bizarre, mais j’ai eu l’impression de faire de la danse.

GG  C’est vrai?

TN  Oui, en fait ça m’a rappelé des souvenirs de quand j’étais machiniste au Français (la Comédie Française, NDLR), de changements de plateau dans le noir qu’on répétait des dizaines et des dizaines de fois, où tu dois être capable de prendre conscience de chaque geste pour ne pas perdre de temps. Je ne sais pas ce qu’est le travail d’un/e danseur/seuse mais je me dis que c’est quelque chose de proche.

GG  C’est drôle.

TN  Là ce n’était pas forcément très réussi parce qu’on se cognait, on faisait du bruit, mais c’est très intéressant ce travail. Parce que la plupart du temps, on travaille avec notre corps mais de façon inconsciente et ça m’a plu de travailler cette conscience là.
Donc cette seconde période de travail, ces exercices autour de différentes apparitions d’un mort, qu’en penses-tu?

GG  C’était très long. C’était toujours l’idée du commencement en fait. Pour nous, ces scènes qui se succédaient étaient toutes des commencements. Après, un enchaînement de scènes, même si tu te dis que ce ne sont que des commencements, ça ne marche pas. Tu recolles les morceaux comme tu veux mais tu te fais un film, une dramaturgie. Parce qu’il y avait le texte aussi.

TN  Par rapport à ce texte enregistré, je me suis dit qu’au lieu de l’écrire et de l’enregistrer, il aurait été plus intéressant de prendre vos réelles discussions de travail, même si ça avait été déconnecté de ce qui était montré.

GG  C’était l’idée de départ, mais oui, ce n’était pas notre réel travail de table.

TN  Je crois que c’est parce que vous vouliez connecter cette bande son à la réalité du plateau et je ne suis pas certain que c’était nécessaire. Ensuite il y a eu la troisième période de travail avec Ismeni².

GG  Dans cette session aussi il y eu plein de directions. La première présentation était assez catastrophique pour nous. C’étaient des commencements de scènes qui n’avaient rien à voir les uns avec les autres.

TN  Avec cette idée toujours d’essayer de jouer le travail en cours. Tu intervenais en direct sur la lumière. Mais c’était difficile à jouer puisque les projecteurs étaient déjà accrochés. Du coup, c’était bancal. En même temps est-ce que c’est intéressant de voir quelqu’un accrocher un projecteur?

GG  C’est la question qui se pose dans ce projet. On prétend être dans le moment du commencement et faire dans le moment ce qu’on décide. Comment intégrer cette donne? Si on se dit qu’on fait les choses en direct alors faisons-le vraiment. On se met à une table face au public et on parle. C’était ça l’idée première avec Amaia². On s’était mis à une table et on montait les projecteurs pendant que Cuqui regardait. On a fait une tentative comme ça, mais très vite, ça devient hyper chiant.

TN  Vous essayez de vous surprendre les uns les autres, c’est-à-dire que vous travaillez vos propositions chacun de votre côté.

GG  Du coup on préparait les choses chacun dans notre coin et il y avait faussement quelque chose de vrai puisque la préparation avait déjà eu lieu et ne se faisait pas dans l’instant, à l’inverse du précédent spectacle de Cuqui, The Rehearsal. Le spectacle se fait, c’est une répétition, on joue qu’on fait une répétition d’un spectacle… Quasiment à la fin, j’interviens sur le plateau avec la génie ou une échelle et je vais changer une gélatine d’un projecteur. Là, très souvent les gens pensent que c’est terminé et s’en vont, alors qu’en fait le spectacle continue encore pour cinq, dix minutes! Même dans ce milieu-là, de recherche, avec un public spécialisé qui connaît les règles, on ne veut pas voir la technique. C’est bizarre, quoi. On sait que ça fait partie de la représentation, que c’est de l’artifice, et certains ne veulent pas voir comment ça marche, ne veulent pas avoir les clefs. C’est pareil pour moi quand je vais voir un spectacle, en fait. En même temps, je rejoins le travail de Cuqui. C’est un peu son truc. Elle a besoin qu’on voit comment ça marche, de voir les ficelles de l’artifice.

TN  Et ça devient son sujet?

GG  Oui et pour moi c’est ça qui était intéressant dans ces périodes de travail qu’on a eues ici, et je trouve qu’on n’a pas réussi. Je pensais qu’on irait plus loin dans le dévoilement, et en lumière j’étais un peu largué je dois dire.

TN  C’était compliqué parce que tu n’avais pas que la lumière, tu avais plein d’autres aspects de la création à travailler.

GG  En même temps ça m’aide vachement de faire ça. Quand je ne fais que la lumière sur certains projets, si je ne mets pas mon nez dans autre chose que ce que j’ai à faire, je n’y arrive pas. J’ai besoin de m’imprégner ou de foutre le bordel dans autre chose et pof, ça vient.

TN  Ce que je ne trouve pas simple c’est quand ça devient le seul enjeu. Il faut qu’il y ait quelque chose à dévoiler avant de dévoiler. Si l’objet du spectacle est juste le dévoilement, je trouve que ça ne marche pas. Dans la deuxième session, il y avait cette idée des commencements avec l’argument autour d’un mort. On pouvait donc imaginer une histoire. Dans la troisième session, il y avait les remakes de la scène de Matrix. Mais ça faisait prétexte.

GG  Et dans la dernière présentation, avec tous les objets qui arrivaient un à un sur le plateau?

TN  Ça ne racontait pas grand-chose. Ce sont des objets trop familiers pour moi. Mais pour quelqu’un d’autre ça peut effectivement créer des surprises, des interrogations. Il y a toujours les contraintes du plateau. On ne peut échapper à cet espace donné, ni surtout au temps. C’est le temps qui va définir le spectacle. C’est du reste ça qui est beau dans les spectacles qui arrivent à déconstruire le temps perçu.

GG  Je trouve que la dernière proposition va plus vers ce qu’on voulait faire que ce qu’on a montré précédemment. Je suis dedans donc je ne sais pas pour les spectateurs mais la concentration que m’amène ce dispositif me parait plus juste.

TN  En même temps ce sont des objets qui viennent gratuitement.

GG  Bien sûr, mais c’est ce qui se passe autour. Pour toi, c’est ma scie, ok, c’est un vélo que j’ai récupéré, d’accord. En même temps, si tu es neutre et n’arrives avec aucune idée de ce que tu vas voir, je pense que la surprise est d’autant plus grande. Je ne sais pas s’il faut chercher une surprise. Je me dis que tu te fais une dramaturgie si t’envoies une scie circulaire puis un vélo. On se fait forcément une histoire avec ces objets. Quand il y en a quinze, pareil: «Bon, ils vont encore en apporter combien, ça me fait chier» et voilà. Mais là-dedans il y a plus l’idée de départ que de scènes. En lumière, chercher l’espace, changer l’espace, changer la nature de l’objet...

TN  … si on peut.

GG  La perception, oui. Mais une roue de vélo restera toujours une roue de vélo, qu’elle soit rouge ou jaune.

TN  Les objets peuvent se transformer, mais c’est lié à du jeu.

GG  Dans le jeu oui, mais en lumière. C’est ce qui m’intéressait dans ce boulot, et je regrette qu’on ne l’ait pas creusé assez loin.

TN  Vous allez en faire quoi, de ce boulot?

GG  Je ne sais pas, on va continuer. Moi je trouve ça super, et j’ai vraiment envie d’approfondir ces questions auxquelles je n’arrive pas à répondre, pour comprendre moi-même ce qu’est la lumière là-dedans. Je travaille beaucoup à la sensation, je n’ai pas de théorie. J’ai besoin d’être dedans, de sentir le truc et de me plonger dans une pensée, dans une concentration.

TN  C’est lié au temps de travail de la résidence?

GG  Je ne sais pas. Il y a des spectacles où ça se fait en trois jours et ça sort super bien mais là je pense que la communication avec Cuqui était trop difficile, on n’a pas eu assez de réflexion sur le travail.

TN  Cette inquiétude, chez elle, est très belle en même temps. J’étais un peu extérieur, moins impliqué que toi. Il y a quelque chose de très fragile et c’est beau.

GG  Oui, c’est hyper fragile et très perturbant en même temps, pour la recherche, la concentration. Mais malgré tout cette fragilité est super belle et ses idées de projet et ce qu’il y a sur le plateau. Ce dévoilement du doute et du mystère de la création. Ça me parle et en lumière je n’ai pas envie de plus, sauf sur le dernier projet où on s’était dit qu’on travaillerait en lumière sur un espace qui change et pour moi on a pas abouti. J’ai une position aussi, je me donne des rôles c’est-à-dire que quand je suis éclairagiste, j’ai un rôle d’éclairagiste, quand je suis danseur, je suis interprète (car ça m’arrive), quand je suis directeur technique d’une compagnie, etc. Là, je n’ai su que très tardivement que je travaillais en collaboration avec elle, en tout cas que l’intitulé de la résidence était «Cuqui Jerez et Gilles Gentner». Je ne le savais pas, en fait. Pour moi ça aurait changé beaucoup de le savoir plus tôt. Je me mettais juste en position de collaborateur.
Une fois, elle n’est pas venue, je me suis dit «là, c’est bon, elle ne vient pas, donc je fais un truc». De là est sortie l’idée des objets qui arrivent sur le plateau. J’ai écrit ce truc-là, on lui a montré et on est partis avec ça. J’étais content de ne pas me retrouver à me demander encore: «Bon qu’est ce qu’on fait, on l’attend, on ne l’attend pas, on y va, on n’y va pas». C’est ce qui se passait avant.

TN  C’est peut-être ça qu’il faut raconter comme début.

GG  Peut-être oui, tu as raison. Ce serait drôle. En tout cas je suis très content de continuer ici en novembre et février prochain. Avec une première en février. Je suis super content de cette relation mais il faut qu’on avance, aussi bien personnellement que dans le travail, dans le rôle qu’on a chacun. La lumière c’est donner à voir: à chaque fois je propose une interprétation. J’ai hâte de continuer ce qui a été fait même si on change complètement de direction. Ça me plait bien aussi dans mon histoire: comment percevoir le travail différemment de ce que j’aurais pensé à mes débuts dans mon groupe folklorique. Voir que cette machine qu’est le théâtre a évolué comme nous et que je peux aussi dire des choses. Cuqui me laisse un peu cette place.



Entretien publié dans Le Journal des Laboratoires, sept-déc. 2011

ARF



* Tanguy Nédélec est régisseur général des Laboratoires d'Aubervilliers. Cet entretien a été réalisé à Aubervilliers, le 30 mai 2011.


¹ La residence de Cuqui Jerez et Gilles Gentner aux Laboratoires d’Aubervilliers se répartit sur une première période, en septembre 2010, une seconde en janvier et février 2011 et une troisième en novembre 2011.


² Amaia Urra et Ismeni Espejel ont assisté Cuqui Jerez et Gilles Gentner lors des différentes sessions de travail du projet.