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Rainer Ganahl développe depuis plusieurs années des travaux en relation avec le vélo. «Le vélo, explique-t-il, n’est pas uniquement mon seul moyen de transport, il est aussi comme une paire de lunettes qui me permet de voir la ville – une sorte d’extension de mes organes visuels et auditifs, car il est une véritable interface sociale urbaine. C’est aussi une technologie esthétique majeure que je tente d’explorer.» L’artiste a ainsi réalisé plusieurs performances dans lesquelles il se met en danger, roulant notamment dans le sens inverse de la circulation sur de grandes ou petites artères de New York (2006), Hong Kong (2005), Damas (2004), Tirana (2003), ou déséquilibrant son assise par des dispositifs de prise de vue afin de créer un événement, en même temps qu’une vidéo, c’est-à-dire une nouvelle façon de voir la ville pour les autres. Il s’intéresse au vélo tant pour des considérations personnelles que pour la dimension historique, politique et sociale que revêt cette machine.
Accompagné par Les Laboratoires en 2007-2008, Rainer Ganahl a poursuivi ce travail en basant ses recherches sur les écrits et la vie d’Alfred Jarry. Ce projet intitulé Ce qui roule, That-which-rolls (early forms of rollin’rock) revisite la biographie et les textes de l’écrivain avec comme perspective son enthousiasme pour le vélo et son regard sur les machines disciplinaires. Le projet a pris la forme d’une performance théâtrale présentée aux Laboratoires les 10 et 11 juin, puis d’un film projeté du 7 novembre au 5 décembre.
La pièce de théâtre s’est approprié Le Surmâle, roman écrit en 1902, et un court texte intitulé La Passion considérée comme course de côte. Dans le premier, nous assistons à la course des «Dix Mille Milles» qui met en compétition des cyclistes avec un train à grande vitesse, et à l’introduction d’une drogue censée accroître les performances physiques, le Perpetual-Motion-Food (ou «Nourriture du mouvement perpétuel»). Cette drogue est aussi à l’origine d’une autre prouesse «impossible» du Surmâle, une performance sexuelle de 24 heures qui surpasse tous les exemples du genre connus en littérature.
Dans le second texte, Jarry joue avec son expérience religieuse et fait de Jésus-Christ un cycliste au supplice dans la montée du Golgotha.
Le film quant à lui tente de revenir sur quelques-uns des troubles schizo-poétiques inventés et vécus par Alfred Jarry. Accumulation d’anecdotes, d’événements historiques, de projections poétiques et de prolongements fictifs, il ébauche les contours d’un poète aussi historique qu’imaginaire. Plutôt que de chercher à mettre en scène le personnage historique, interprété par Rainer Ganahl lui-même ce film envisage toutes les sources et créations littéraires comme une rollin’rock, une pierre qui roule, avec laquelle jouer. 

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Avec le soutien du Conseil général de la Seine-Saint-Denis (accueil en résidence 2008) et du Forum Culturel Autrichien